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Fabriquer sa peinture...

"Quoique l'on vende des couleurs communes toutes broyées, cependant on ne laisse pas d'avoir affaire d'une pierre pour broyer certaines couleurs fines, à mesure que l'on a besoin." De Piles (1635-1709)


   Fabriquer sa propre peinture à une époque comme la notre est au premier abord une idée bien saugrenue, mais Preparation de peinturec'est le constat de différents acteurs de l'art actuel sur la pérennité des oeuvres peintes qui m'a poussé à m'y intéresser.

   De nombreux peintres, restaurateurs de tableaux, historiens d'art ou conservateurs, observent un phénomène étrange : "Ce sont les tableaux les plus récents qui se dégradent le plus vite et les plus anciens se conservent mieux..."  
   Deux choses sont à l’origine de ce constat; la manière de peindre et les matériaux utilisés. Pour la manière c’est par exemple le non respect des temps de séchage de l’huile, pour les matériaux, depuis l’apparition du tube les peintres ont arrêté de fabriquer leur propre peinture en laissant ce soin aux nouveaux marchands de couleurs qui utilisèrent des charges et/ou des produits contrefaits pour accroître leurs marges…

    Un parallèle a donc été fait entre la période à partir de laquelle les tableaux sont "moins bien peints" techniquement et l'invention du tube de peinture. Ce fait, indiscutable historiquement donne à réfléchir et même si le nerf du sujet n'est pas d'enflammer la polémique il mérite que chaque artiste peintre le médite.

   Je sais que beaucoup d'artistes (si ce n'est l'écrasante majorité) ne se soucient guère de la longévité de leurs oeuvres et qu'ils voient comme complètement fou un peintre produisant sa propre matière première. Pour eux c'est idiot, fastidieux, inutile et archaïque...

   Je n'ai jamais partagé cette analyse, la technique (c'est à dire la fabrication de la peinture ainsi que le procédé pour peindre) est selon moi extrêmement importante surtout en peinture à l'huile. Délaisser cette technique c'est prendre des risques sur le résultat final de l'oeuvre. C'est de plus une sacré fierté que de maîtriser son métier de l'élaboration de ses propres outils jusqu'au bon déroulement des étapes de fabrication donnant un produit artisanal de grande qualité, tant dans sa pérennité que dans son aspect extérieur.


   Que penserions nous d'un chef cuisinier préparant ses plats à base d'aliments surgelés? La peinture "industrielle" en beaux arts est à peu près le congelé de la cuisine, il est d'ailleurs étonnant que les méthodes traditionnelles donnent toujours les meilleurs résultats, quelque soit le domaine d'activité. L'homme moderne n'arrive pas à gagner du temps sur la qualité; cette dernière demande du temps.

   Comme le bon cuisinier prépare lui même ses recettes il doit en être de même du bon peintre qui prépare sa peinture qui fatalement sera différente de ses confrères; ce qui induit une melange de couleursrecherche personnelle assidue afin de dépasser les techniques picturales anciennes en les actualisant et en les perfectionnant.

   Les chefs cuisiniers qui utilisent la cuisine moléculaire ont réussi ce pari que manquent aujourd'hui les peintres; ces cuistots savent préparer une mayonnaise ou une béchamel tandis que les peintres ne savent même pas de quoi est constituée la peinture qu'ils utilisent... Le constat est alarmant et du titre de peintre ils méritent plus celui de barbouilleur...

   Voilà mon sentiment face à ce problème d'auto-production de peinture, malheureusement ce chemin est très difficile puisqu'il se fait quasiment en autodidacte et par tâtonnements à la lueur de quelques écrits anciens et contemporains.